LE ROLE SOCIAL DE L'ARCHITECTURE EN PAYS BASQUE

LEHEN HALA ORAIN HOLA GERO EZ DAKIT NOLA

L' Architecture aujourd'hui au Pays basque est en plein renouvellement et de nombreux efforts sont conjointement menés par les institutions culturelles, ainsi que par les architectes, afin d'expliquer le rôle social qu'ils exercent dans la création d'un cadre bâti agréable à vivre. La conférence débat table ronde qui se déroulera le vendredi 22 décembre à 18 heures à l'amphithéatre du département informatique de L'I.U.T. au Château Neuf à Bayonne, sera parainée par monsieur le docteur Jean Grenet, député-maire de Bayonne, monsieur Olivier Ribeton, conservateur du Musée basque. Nous tenons à remercier pour son accueil, monsieur Bernard Causse, directeur de l'I.U.T.. Nous aborderons ce débat sur la création artistique, sous une perspective historique, par l'analyse de l'oeuvre de deux architectes régionalistes, décorateurs et créateurs de meubles, qui appartenèrent au mouvement Néo basque: Louis (1876-1939) et Benjamin (1885-1859) Gomez. Cette première partie conférence constituera une base de réflexion pour le débat qui suivra, sur le thème qui a déjà été abordé dans les colonnes de La Semaine du Pays Basque : Quelle Architecture Aujourd'hui au Pays Basque?. La table ronde sera animée par un groupe pluridisciplinaire composé de messieurs Pierre Bidart, sociologue et président du Centre Permanent d'Initiation à l'Environnement du Pays basque, Pierre Cabalette, compositeur de musique et professeur au conservatoire de Bayonne, Jean-François Larralde, historien de l'art et conservateur du musée de Guéthary, Jean-Pierre Melot, historien de l'art, Olivier Ribeton, et par Robert Latour d'Affaure, architecte d.p.l.g. installé à Biarritz.

Le patrimoine architectural dont il est question au Pays basque jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle est essentiellement rural, à usage d'habitation et professionel. Au seizième siècle, les paysans construisaient leur maisons en bois, comme l'ont montrés Mikel Duvert et Xemartin Bachoc , puis fut introduit la technique des maçons et la maison (etxe) fut alors transformée. Dés le début du vingtème siècle, une société bourgeoise fût attirée sur la cote basque, par le développement rapide des activités touristiques. C'est à partir des éléments d'architecture traditionnelle et à la lumière de l'enseignement qu'ils reçurent aux Beaux-arts de Paris où ils prirent connaissance de nouveaux courants architecturaux, que les frères Gomez, durent inventer un nouveau langage architectural: le Néo basque, qui s'inscrivait dans le courant théorique du régionalisme et s'opposait à l'architecture internationale de Le Corbusier. Le régionalisme qui se développa à la suite de la première guerre mondiale répondait à un besoin de renforcer une identité nationale par la mise en valeur des styles régionaux. Les frères Gomez se sont essayés dès l'année 1905 à de nombreux styles architecturaux allant du néo labourdin, en passant par le néo normand, le style hispanique et landais. C'est à partir des années 20 que le style art-déco figure dans leur répertoire et prend progressivement une part importante dans la définition d'un langage personnel d'architecte, notamment chez Benjamin Gomez. L'escalier intérieur de sa maison-agence à Bayonne: "Malaye", construite en 1932 atteint certainement le niveau de modernité architecturale des créations de son confrère parisien Robert Mallet Stevens. Dans sa période de maturité, à la fin de sa carrière, Benjamin Gomez s'exprimera dans un langage architectural personnel, et en étroite collaboration avec les artistes, peintres, sculpteurs, ferroniers, céramistes, mosaïstes, ce qui contribuera à enrichir considérablement l'oeuvre architecturale.

La majorité des maisons individuelles construites aujourd'hui échappent aux architectes, et ce sont des constructeurs ou des organismes para-architecturaux qui produisent un habitat de consomation, dénué de sens architectural. Ils participent à la dégradation des paysages. Dans les péripheries urbaines les lotissements sont composés de pavillons qui se ressemblent tous par leur conception et la reprise en façade des signes superficiels de la tradition rurale, ce qui contribue à un apauvrissement et une régression de la culture basque. C'est ce que Pierre Bidart appelle le Néo clé en main, qui est favorisé par les réglements d'urbanisme.

Le Pays basque compte aujourd'hui sur son sol, de jeunes architectes, qui se connaissent bien et qui ont des objectifs communs. À partir du postulat fondamental que Pierre Bidart a exprimé ainsi: l'identité culturelle est quelquechose de trés fragile, elle n'existe jamais a-priori, elle doit être reconstruite sans arrèt, ils sont prés à définir avec rigueur et continuité, une nouvelle architecture, pour un territoire auquel ils sont profondément attachés. Leur démarche différe de celle du mouvement Néo basque, dans le sens où ils ne se référent plus aux styles architecturaux.

Mon approche personnelle de l'architecture, permet d'apporter un éclairage sur ce qu'est l'architecture au Pays basque aujourd'hui: J'habite tout d'abord le Pays basque, où je suis né il y a 33 ans. J'y ai mes racines et ce territoire fait partie de mon système. L'esprit basque m'habite, sa tradition, ses paysages, sa langue, ses habitudes quotidiennes, ses lieux. Je ne suis absolument pas régionaliste, les réferences stylistiques en tant que tel ne m'interessent pas. Essayer de maintenir la tradition formelle du passé est en profonde contradiction avec le mode de vie qui désormais ne correspond plus à celui du passé. J'aime la lumière et la puissance de cet endroit et le fait que cette puissance passe dans mon travail. Je cherche à faire une architecture profondément liée au territoire, qui joue avec la lumière, la végétation, la topographie, les cultures superposées, le ciel. Je ne m'interesse pas aux solutions rapides et spectaculaires qui ne cherchent qu'à saisir la culture contemporaine de façon superficielle, je préfère le courant profond, la continuité. La réalité matérielle d'un projet c'est sa substance. Les matériaux charient des sentiments. Choisir des matériaux est une mission qui va bien au delà de la résolution pragmatique d'un mur ou d'un espace. Ils ont un potentiel poétique et font partie de mon langage. La lumière est le matériau privilégié de l'architecture. C'est la lumière qui informe l'espace. Les fenètres sont des ouvertures de diaphragmes, controlées à la fois par la vue sur l'extérieur et par l'admission de la lumière. Il s'agit pour moi d'établir une relation d'echange entre le paysage extérieur et l'intérieur de la maison, ainsi que d'introduire un dialogue entre la construction et le site. Les paysages varient en puissance, mais ne sont jamais neutres et ils suscitent toujours quelquechose d'essentiel à canaliser.

L'architecture des années 20 et celle des années 90 au Pays basque, différent dans leur manière de considérer le passé. Sa fonction normative est aujourd'hui refusée. Nous assistons plutôt en cette fin de siècle à l'avénement d'une modernité en mouvement, plurielle, porteuse de changement. La devise en langue basque: Lehen hala orain hola gero ez dakit nola, qui veut dire: avant c'était comme ça, maintenant c'est comme ceci, et aprés je ne sais pas comment, que Benjamin Gomez faisait inscrire en bas relief sur les maisons qu'il bàtissait et que l'on retrouve sur des linteaux de portes du dix-septième siècle, à Ostabat et Uhart Cize prouve que la question de la modernité et du changement à toujours préocupé la société basque.

Robert Latour d'Affaure.
(Semaine du pays Basque, 15 Décembre 1995)

Retour
 

[Accueil] [Articles] [Livres] [Arts Plastiques] [Actualités][E-mail

©1999