L'analyse comparative d'exemples précis choisis dans l'histoire de l'habitat et liés à la culture basque nous a conduit à dégager des principes urbains, paysagers, architecturaux et artistiques fondamentaux significatifs. Notre proposition intègre les évolutions importantes des techniques, des modes de vie, des valeurs esthétiques et culturelles. La pluridisciplinarité a permis le croisement des savoirs spécifiques et des sensibilités. Vincent TRICAUD, paysagiste d.p.l.g. et urbaniste d.e.s.s., travaille souvent en Pays basque, Robert LATOUR D'AFFAURE, architecte d.p.l.g. et historien de l'art d.e.a.,installé à Biarritz il prépare, en parallèle de son travail d'architecte, une thèse de doctorat sur l'architecture du Pays-basque au XX° siècle, et Guanes ETCHEGARAY, sculpteur qui vit et travaille dans une ancienne "etxe" à l'intérieur du Pays basque. Véronique BERTIN, responsable du service des constructions neuves de l'office départemental des h.l.m. a porté le regard de la maîtrise d'ouvrage. Consultant: Jacky LABORD.
Reflexions sur la densité
A la volonté de greffer une opération d'habitat individuel
sur un bourg traditionnel, deux attitudes également légitimes
et cohérentes peuvent correspondre.
1/ Associer une architecture trés homogène et trés
maitrisée à une forme urbaine compacte.
2/ Proposer des modèles architecturaux diversifiés qui
s'articulent étroitement aux limites du site d'intervention. Dans
ce contexte la signification et la qualité que l'on va donner aux
espaces vides deviennent déterminantes et vont constituer l'élément
structurant du projet. C'est cette dernière hypothèse que
nous avons souhaité expérimenter.
Le site: Un pré en pente douce (4%) tourné vers
le sud, qui descend vers le ruisseau. La situation "urbaine" est celle
d'un arrière de bourg, situé au contact immédiat du
cœur du village (église-cimetière-rue principale...) entre
un parcellaire de fond de jardin et le parc du chateau Saint-Martin.
Le parti: Typologie architecturale et volonté "d'insertion
urbaine" sont ici étroitement liées. "Le lotissement" qui
est la forme contemporaine d'habitat individuel de masse la plus répandue,
ne nous paraît pas souhaitable. Le choix n'est pas de créer
un nouveau quartier, mais plutôt de greffer le projet sur le tissu
traditionnel...
... par des typologies architecturales diversifiées qui évitent
le problème du "seuil critique" au delà duquel une opération
n'est plus assimilée par une structure urbaine existante. Cela va
jusqu'à une relative "atomisation" des ensembles bâtis sur
le site d'intervention.
- i Etxeak (le long de la rue du lavoir)
- Les "Maisons de bourg" comprenant des ateliers d'artistes et
la maison des jeunes, le "gaztexe" (sur la rue principale).
- Les "maisons de maître" (dans le parc).
... par une armature d'espaces publics structurants et trés
variés qui assurent la transition entre le cœur du bourg et la campagne,
et auxquels sont étroitements associés nos trois types de
maisons.
- La rue du Lavoir (i Etxeak en pignon sur la rue)
- La place de village (bordée par les façades des
maisons de bourg).
- Le parc et son allée centrale (qui dessert les maisons
de maître)
La rue du lavoir: Est bordée par une alternance de pignons
bâtis et de murets de pierre qui enserrent les jardins privés.
Chaque seuil de maison est un lieu de passage entre l'espace public et
l'espace privé, il est matérialisé par une petite
placette plantée d'un platane. Les arrières de jardin donnant
sur le parc sont fermés par un même mur de pierre. Au delà,
un verger en terrasse permet la transition entre les jardins et la partie
centrale du parc.
La place de village: En se référant à un
vocabulaire d'espace public fortement ancré dans la tradition des
villages basques, nous articulons notre opération avec la rue principale
du village, par un espace à la fois fort et symbolique sur le plan
de l'identité, banal et quotidien sur le plan des usages. Les accés
voitures passent en limite en limite de cet espace et deviennent anecdotiques.
Le parc: C'est l'espace arrière du village. Il est constitué
d'une vaste prairie centrale dégagée qui descend jusqu'au
ruisseau. En limite ouest les "maisons de maître" sont adossées
à un boisement qui abrite les parkings et assure la transition avec
le parc voisin (château Saint-Martin).
i Etxe
L'analyse de la maison de ferme "Lapitzea" bâtie à
Sare en 1604 et des types de maisons édifiées par l'architecte
Le Corbusier à Pessac et Lège Cap-Ferret en 1923 nous a conduit
à dégager des éléments architecturaux permanents
répondant aux besoins humains fondamentaux. Les façades de
"Lapitzea" sont spécialisées selon leur orientation. L'est
est abrité du vent-pluie (haize belza) et largement ouvert, alors
que la façade ouest soumise aux intempéries est totalement
fermée. Les façades sud et nord sont trés peu ouvertes
(la maison etait un outil de travail). Dans certains cas le grenier pouvait
ètre largement ouvert à l'est en conjonction avec des prises
d'air latérales. Cette ouverture permettait une ventilation efficace
des récoltes. La maison "Lapitzea" symétrique est organisée
autour d'un dispositif spatial central: "l'ezkaratze". Cet espace sombre
à l'origine était dit-on le lieu de sépulture des
lointains ancètres. C'est le cœur de "l'etxe". Plus que de sa silhouette
il est évident que la maison basque tire son identité de
son espace intérieur intime.
Le projet: Parmi les trois typologies d'habitat que nous avons
installé sur le terrain d'Oxobelhar nous avons choisi de développer
précisément la conception d'une maison type: i Etxe. C'est
une maison d'habitation sociale d'un étage pour une famille moyenne
actuelle qui vit dans le contexte péri-urbain du Pays basque. Cette
maison standard est une réinterprétation de l'architecture
domestique basque. Sa définition architecturale préserve
des liens métaphoriques avec des éléments architecturaux
historiques et respecte des éléments permanents tels que
le principe d'orientation. Chaque face est spécialisée. La
façade sud est évolutive et largement ouverte. Elle permet
de maintenir l'intérieur de la maison aussi proche que possible
des conditions extérieures si l'habitant le désire, mais
aussi d'ajuster les degrés d'intimité en même temps
que les intensités lumineuses. Tous les espaces "servis" (chambres,
séjour) de la maison sont connectés à la façade
sud vivante bioclimatique. Le dispositif spatial de "l'eskaratze" est installé
au cœur de la maison. C'est un espace intérieur vertical à
double hauteur inondé de lumière en relation avec toutes
les pièces de la maison ainsi qu'avec l'escalier. Tous les espaces
"servants" (sanitaires, cuisine) ainsi que l'entrée sont disposés
au nord. L'ouest est totalement fermé. La toiture est une voute
faite avec des bacs nervurés cintrés en cuivre. Elle assure
le "hors d'eau" et joue le rôle de tampon thermique en protégeant
la maison des agressions climatiques. Elle est totalement ouverte à
l'est. L'espace sous la voute est accessible depuis les chambres et procure
au logement une superficie suplémentaire qui n'est pas comptabilisée
comme superficie habitable. Cette forme architecturale nouvelle, intégrant
toutes les interfaces de communication ainsi que le confort sanitaire (toutes
les chambres sont munies au moins d'une salle d'eau) et l'éclairage
électroluminescent, s'inscrit en jalon culturel dans la recherche
persistante d'un habitat standard.
Robert latour d'Affaure
Architecte d.p.l.g